L'ESG dans le placement immobilier : un regard sur les indices environnementaux

30.06.2023 | Dr. Thomas Spycher, Lucas Hemmi

Résumé

  • L’introduction des directives AMAS sur les indices environnementaux pour les fonds immobiliers et, en particulier, leur focalisation sur un petit nombre d’indices essentiels, a permis d’améliorer considérablement la comparabilité d’aspects centraux de la durabilité.
  • Pondérés en fonction de la capitalisation de marché, des indicateurs de durabilité sont disponibles pour 89% de SWIIT et 75% du CAFP.
  • Pour les deux indices, le mix énergétique se base à plus de 60% sur des agents énergétiques fossiles.
  • Des différences d’intensité sont visibles selon les types d’utilisation. En raison de l’accent mis sur les scopes 1 et 2, c’est-à-dire sur les émissions et la consommation d’énergie directement ou indirectement attribuables aux propriétaires immobiliers, les produits de placement dont l’utilisation principale est commerciale présentent des intensités plus faibles.
  • Nous nous attendons à un élargissement des normes de reporting au cours des prochaines années en ce qui concerne S (Social) et l’énergie grise.
Alors qu’une partie de l’univers des placements immobiliers indirects suisses suivait déjà depuis quelques années des notations telles que le GRESB, le rapport de données relatives à l’ESG était très hétérogène pour de nombreux produits.1 Dans le but d’accroître la transparence pour les investisseurs et la comparabilité des produits de placement, l’Asset Management Association Switzerland (AMAS) a rédigé en mai 2022 une circulaire sur le rapportage d’indices environnementaux pour les fonds immobiliers suisses, ouvrant ainsi la voie à la comparabilité.2 La CAFP s’est associée aux efforts de l’AMAS en publiant une recommandation.

Bien que le délai de mise en œuvre soit encore en cours, une grande partie des fonds immobiliers et des fondations de placement se sont déjà alignés sur les directives dans leurs rapports. Nous établissons ci-après une première comparaison entre les différents produits. Cette première analyse se concentre sur les fonds immobiliers cotés de SWIIT ainsi que sur les groupes de placement de l’indice CAFP Immo.

La couverture des données comprend déjà 89% de SWIIT

Le délai de mise en œuvre fixé par l’AMAS est fixé à la fin de l’année. Malgré cela, une majorité de produits de placement a déjà publié des indices environnementaux. Le graphique ci-dessous montre comment la couverture des données varie selon les indices pondérés par la capitalisation de marché. Les produits de placement qui publient les chiffres clés « Intensité énergétique » et « Intensité des émissions de gaz à effet de serre » sont comptés parmi les « chiffres clés disponibles ».

Les deux points de données sont disponibles pour 89% du SWIIT (34 produits de placement sur 41) et 75% de l’indice CAFP Immo (29 produits de placement sur 42).

La couverture des données décrite ici correspond purement à la disponibilité de l’information et doit être clairement distinguée de l’indicateur AMAS « taux de couverture ». Le taux de couverture renseigne, au niveau du portefeuille, sur la part de la surface des immeubles pour laquelle des données de consommation sont collectées.3 Pondéré en fonction de la capitalisation de marché, le taux de couverture moyen du SWIIT s’élève à 87,3% et celui de CAFP Immo-Index à 77,5%. Dans l’ensemble, le SWIIT dispose donc à la fois de plus de produits avec des informations disponibles sur la durabilité et d’une base de données plus détaillée au sein de ces chiffres-clés. Il convient de noter que la saisie méthodique n’est pas encore indiquée de manière transparente dans tous les cas. Il n’est donc pas toujours évident pour les investisseurs de savoir s’il s’agit de valeurs mesurées ou de pures modélisations et déductions à partir de benchmarks. Nous partons du principe que la tendance est à la saisie des données et à la mesure, afin que les succès des mesures puissent être effectivement enregistrés.

Outre la disponibilité des données, le niveau de détail des indicateurs présentés varie également. En ce qui concerne les intensités, les produits de placement présentent parfois une décomposition des émissions du scope 3 resp. de la consommation d’énergie contrôlée par le locataire. Pour faciliter la comparaison, les graphiques et analyses suivants se basent sur des intensités desquelles ont été déduites les émissions du scope 3 et la consommation d’énergie contrôlée par le locataire.

Part importante des énergies fossiles dans le mix énergétique

Le mix énergétique permet de décomposer les différents agents énergétiques et montre quelle est la part des combustibles fossiles dans la consommation totale d’énergie du portefeuille. Afin d’utiliser des valeurs comparables sur l’ensemble des produits, nous nous concentrons sur les scopes 1 et 2.

Le graphique ci-dessous décrit les parts pondérées des agents énergétiques selon les indices et permet, grâce au code couleur, de distinguer les agents énergétiques fossiles et non fossiles.

Le graphique montre que les deux indices présentent une répartition similaire des agents énergétiques. Dans les deux cas, les agents énergétiques fossiles représentent plus de 60% du mix énergétique total et la principale source d’énergie fossile est à chaque fois le gaz. A titre de comparaison, la valeur des bâtiments chauffés par des énergies fossiles pour l’ensemble du parc immobilier suisse était de près de 60% en 2021, selon l’OFS. Les données rapportées vont toutefois au-delà du chauffage.

Dans la perspective d’une future décarbonisation, cette part de 60% indique un potentiel d’action important. L’électricité et le chauffage à distance peuvent comporter une part d’énergie primaire fossile. Certains produits de placement indiquent déjà cette part dans le cadre des rapports de durabilité.

Les valeurs des indices sont pondérées en fonction de la capitalisation de marché. Avec un investissement dans le SWIIT, 60% des sources d’énergie de l’investissement sont donc aujourd’hui fossiles.

Intensité énergétique et intensité des émissions de gaz à effet de serre

Le calcul des intensités, c’est-à-dire la division de chiffres clés tels que la quantité totale d’émissions de gaz à effet de serre par la surface de référence énergétique, permet de comparer les indicateurs de durabilité sur l’ensemble du portefeuille.

L’intensité énergétique décrit l’importance de la consommation d’énergie en kilowattheures par mètre carré de surface de référence énergétique ou de surface louable. L’intensité des émissions de gaz à effet de serre renseigne sur la quantité d’équivalents CO2 émis en kilogrammes par mètre carré de surface de référence énergétique ou de surface louable. L’utilisation principale des portefeuilles est un aspect important des comparaisons, car les différentes utilisations n’ont pas la même intensité énergétique. En cas d’utilisation commerciale notamment, une grande partie de l’énergie est souvent gérée par le locataire (scope 3).

Le graphique ci-dessous présente la répartition des intensités indiquées selon l’utilisation principale et les indices à l’aide de boxplots. La répartition par utilisation principale dans le graphique se base, pour les produits de placement du SWIIT, sur la part des revenus locatifs provenant du logement et sur les sous-indices CAFP.

Les produits de placement à usage principal résidentiel présentent en moyenne des intensités plus élevées que les produits à usage commercial. Cette différence s’explique, en ce qui concerne l’intensité énergétique, par le fait que pour les immeubles commerciaux tels que les bureaux, les surfaces de vente ou les immeubles industriels, les locataires/locatrices ont généralement plus de contrôle sur la consommation d’énergie occasionnée que pour les immeubles résidentiels et sont donc couverts par le scope 3.

Les produits de placement présentant les intensités énergétiques les plus faibles se concentrent soit sur la location d’espaces de stockage – un secteur qui est globalement moins énergivore – soit sur le secteur de la logistique et de l’hospitalité, où une grande partie de la consommation d’énergie est liée à la consommation contrôlée par les locataires.

Pour mettre en relation les intensités indiquées avec les collectes de données passées, il est utile de faire une comparaison avec le portefeuille de benchmarking REIDA de 2022.4 Le portefeuille analysé par REIDA comprend 36 portefeuilles immobiliers avec un total de 3984 immeubles existants. REIDA rapporte une intensité énergétique moyenne de 97,4 kWh/m², légèrement inférieure aux valeurs médianes du SWIIT (102,8 kWh/m²) et de l’indice KGAST Immo (99,9 kWh/m²). L’intensité moyenne des émissions de gaz à effet de serre des portefeuilles REIDA est de 13.1 kg CO2eq/m², ce qui est également inférieur aux valeurs médianes du graphique ci-dessus (SWIIT 19.7 kg CO2eq/m², KGAST Immo Index 16.5 kg CO2eq/m²).
Il est important de noter que le calcul des intensités énergétiques présentées ci-dessus est actuellement basé sur l’énergie opérationnelle des biens immobiliers. Il s’agit donc de l’énergie utilisée pour le chauffage des locaux, le refroidissement des locaux, l’eau chaude et l’électricité générale. Une partie considérable de la consommation d’énergie d’un bien immobilier est toutefois due à ce que l’on appelle « l’énergie grise », qui est générée lors du processus de construction ou de rénovation. Cette énergie grise comprend l’énergie primaire non renouvelable nécessaire à la construction d’un bien immobilier.5 Dans l’optique d’une évaluation globale et d’une comparaison de la compatibilité d’un portefeuille avec le climat, il serait souhaitable que cette énergie grise soit également indiquée. Sinon, les produits de placement avec de nouveaux projets de construction peuvent réduire leurs intensités opérationnelles sans déclarer l’énergie grise qui y est liée.

La part des énergies fossiles et l'intensité en CO2 sont corrélées

Le graphique suivant montre la corrélation entre les deux intensités. Sans surprise, il existe une nette corrélation positive. De plus, la répartition par utilisation est clairement visible.

De nombreux portefeuilles ont communiqué une trajectoire de réduction dans le cadre de leur stratégie de décarbonisation. Cela permettra à l’avenir de comparer l’évolution avec les valeurs prévues.

Dans le cadre de leur stratégie de décarbonisation, de nombreux produits de placement se sont fixé pour objectif de réduire progressivement la part des énergies fossiles dans leur mix énergétique. Afin de mieux comprendre l’influence des agents énergétiques fossiles sur les indices d’intensité pertinents pour l’environnement, les graphiques suivants montrent la corrélation de manière purement descriptive.

On constate que la part des énergies fossiles est positivement corrélée aux deux intensités. Parallèlement, les coefficients de corrélation montrent que le lien entre l’intensité des émissions de gaz à effet de serre et les sources d’énergie fossiles est plus fort.

Les indices environnementaux d'AMAS ne sont qu'une première étape

En résumé, l’introduction des directives AMAS sur les indices environnementaux pour les fonds immobiliers a nettement amélioré la comparabilité des principaux indicateurs de durabilité. Il est à espérer que ceux-ci seront encore plus uniformisés dans les années à venir. Certains aspects continuent d’entraîner des différences dans l’approche méthodologique. Les valeurs estimées et modélisées, qui constituent encore la majorité pour certains produits, devraient disparaître. Chaque fournisseur de produits a l’obligation de mettre en place une gestion des données qui permette de mesurer efficacement les progrès.

Dans la perspective de normes plus complètes comme le GRESB, la partie Social (S), qui n’est pas (encore) couverte par les indices environnementaux, devrait continuer à se développer.

Les indices environnementaux selon l’AMAS se concentrent sur la consommation d’énergie des bâtiments en exploitation. Or, selon l’OFEN, jusqu’à un quart de l’énergie consommée l’est lors de la construction des bâtiments. Différents rapports de recherche (p. ex. Priore et. al 2022) indiquent en outre que des améliorations sont également nécessaires, en particulier dans le domaine de l’énergie grise, pour atteindre les objectifs climatiques. En conséquence, nous nous attendons à ce que les objectifs soient adaptés et développés.

Indicateurs ESG chez Alphaprop

Alphaprop collecte désormais tous les indices environnementaux et comprendra bientôt un module avec tous les chiffres clés pertinents pour l’environnement selon AMAS/KGAST. Cela permet une analyse et une comparaison transparentes des critères ESG des produits de placement immobilier indirect. Tous les benchmarks courants sont également inclus.

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